Les défis de l’expatriation
Cela fait un moment que je songe à écrire sur ce sujet. L’expatriation est un sujet qui me tient à cœur, ayant vécu dans quatre pays différents pendant plus de 12 ans soit plus de la moitié de ma vie d’adulte.. et je peux le dire cela m’a transformée bien plus que toute autre expérience de vie.
Autant j’ai voulu en créant ce blog partager nos aventures à nos proches mais aussi des tuyaux pour les familles voyageuses, de jolies photos, de nouveaux endroits à ne pas manquer, ne garder que le beau finalement car ayant vécu des épreuves ces dernières années c’était en effet essentiel pour moi de ne partager que du positif… Cependant, l’expatriation est souvent idéalisée par les proches et mal comprise par ceux qui ne l’ont pas vécue.. et lorsque l’on partage de belles photos, on ne voit pas forcément ce qui se cache derrière, un peu comme la partie immergée d’un iceberg.
Quand on part en expatriation, on ne part pas en vacances, on part recréer un quotidien à l’étranger..
Les difficultés de répartir de zéro sont réelles et encore plus en partant en famille.. partout, il y a des obstacles dans le quotidien mais c’est exacerbé lorsqu’on vit loin..
Certes, partir dans un pays plus exotique que la Belgique fait des envieux mais est-ce à dire que l’on va jouer le touriste au quotidien ?
Quelles sont finalement les forces et faiblesses d’une expatriation ?
Les points forts de l’expatriation sont :
-une nouvelle perspective de vie qui s’offre à nous.. un changement radical dans notre parcours, une amélioration de notre cadre de vie
-Une ouverture au monde : la découverte d’une nouvelle culture, d’une nouvelle langue , enrichir ses compétences socioculturelles et linguistiques , faire de nouvelles rencontres, sortir de sa zone de confort..
Cela permet de cultiver un sens de la curiosité et une ouverture d’esprit qui favorisent l’épanouissement personnel. Les voyages, les rencontres et les découvertes culinaires alimentent un tableau de vie plus large et diversifié.
-une opportunité professionnelle, parfois un salaire et une qualité de vie plus attractive, un boost pour la carrière de l’expatrié
-une expérience familiale inoubliable, se rapprocher et vivre des moments en famille, resserrer les liens, se focaliser sur l’essentiel, partager plus de moments avec ses proches
-des opportunités pour voyager dans des zones géographiques plus éloignées et plus exotiques que là où nous avons grandi ..
Sur le papier, il est souvent facile de trouver des raisons positives de s’expatrier mais ne serait-ce pas un peu idéaliste que de ne présenter que ces aspects ?

Quels sont finalement les challenges de tout expatrié ?
-l’éloignement géographique, qui pour l’Asie ou l’Océanie est réel.
Avoir plus de 30h pour rentrer chez soi et un décalage horaire de plus de 10h ne doit pas être sous-estimé tant par celui qui prend la décision de partir que pour les proches restés au pays.

Bien souvent le décalage horaire est complexe à comprendre et rend les appels rares ou plus compliqués.
L’expatrié se rendra à l’évidence qu’étant donné que c’est lui qui a pris la décision de partir, il devra être imaginatif , proposer des appels, créer un compte Instagram, créer un blog, un groupe whatsapp, envoyer des photos. Il ne pourra en revanche pas revenir plus d’une fois par an lorsqu’il vit loin.
Le principal défi pour les expatriés est l’adaptation culturelle. S’immerger dans une culture inconnue conduit souvent à un « choc culturel », un phénomène caractérisé par le stress et la désorientation ressentis dans un nouvel environnement culturel. L’ampleur de ce choc varie, influencée par la distance culturelle entre le pays d’origine et le pays d’accueil. Pour atténuer ce phénomène, des recherches approfondies et des visites préliminaires dans le pays hôte sont conseillées.
-l’isolement social /le blues de l’exil
L’expatriation est une sacrée aventure pour les audacieux qui s’y essayent. Il ne s’agit pas toujours de troquer son quotidien gris contre des plages ensoleillées. Partir travailler à l’étranger, c’est aussi laisser ses proches et quitter son pays pour une culture parfois radicalement différente de la nôtre. Et de tous ces bouleversements peut naître un véritable spleen qui isole ceux qui le vivent.
Ce blues repose avant tout sur un bouleversement des repères affectifs dans la mesure où l’expatriation est faite de séparations. La séparation dans un premier temps avec les proches restés à la maison , puis, la séparation avec les personnes rencontrées en chemin dont les relations sont souvent éphémères.
Et si la gestion des relations entre expatriés peut s’avérer compliquée, il semble tout aussi difficile d’entretenir les liens avec ses amis restés au pays. On n’est plus dans le même quotidien et ils continuent leur vie sans nous.

Sur place, on ne peut compter que sur sa famille nucléaire. Pas de vieux amis ou de parents qui sont là en cas de besoin et bien que l’on se fasse des amis, ce sont des amitiés d’expat. Demain, l’un ou l’autre s’en ira pour d’autres horizons.
Il faudra s’habituer à dire au revoir bien trop souvent, y compris pour les amis d’école.
Tout cela engendre que les liens familiaux sont essentiels et il faut pouvoir compter l’un sur l’autre. Il n’y a pas de plus grande aventure pour une famille que de quitter son pays. Bien souvent, cela consolide les liens mais cela peut aussi les fragiliser et certaines étapes de la vie peuvent être plus difficiles hors de chez soi comme par exemple la période de l’adolescence.
Selon une étude menée par les Nations unies, parmi les plus grands défis auxquels sont soumis les expatriés, la solitude est en tête de liste. En effet, se faire de nouvelles connaissances dans un pays qui nous est totalement étranger n’est pas chose aisée. Il n’est pas facile d’aller au contact de la population locale d’autant plus qu’on est le plus souvent confronté à la barrière de la langue.
Il y a des moments de solitude: même entouré, on se sent incroyablement seul. Les amis et la famille sont loin, les repères sociaux sont différents, et certaines émotions ne peuvent être partagées qu’avec ceux qui ont vécu la même chose.
Enfin, cette solitude peut aussi être nourrie par la dimension tabou des sentiments ressentis par les expatriés. Tabou car le niveau de vie augmente et que l’on n’ose pas raconter les difficultés derrière la réussite sociale qui s’affiche aux yeux de tous. Mais aussi auprès de la famille qui souffre de cette séparation et du choix d’être parti vivre loin d’elle. Il n’est pas rare pour les expatriés de ressentir de la culpabilité à leur égard et ces derniers préfèrent alors taire la solitude pour ne pas les contrarier davantage. La peur de l’échec et du jugement vient donc renforcer davantage cet isolement en dissimulant la réalité du quotidien.

Et souvent, il est difficile de discuter de nos doutes et de nos difficultés avec nos proches car ils ne comprennent pas pourquoi nous ne pouvons pas simplement profiter de cette opportunité de vivre la vie d’expatrié. Nous ne pouvons pas les blâmer et pourtant nous pouvons nous sentir déconnectés et isolés.
-l’injonction au bonheur, le refus de se plaindre, présenter l’expat d’une manière positive fait partie de la vie de tout expatrié..
-la position du conjoint suiveur et des enfants. La situation du conjoint suiveur est bien souvent occultée.. Trouver un emploi pour le conjoint est un vrai challenge, se réorienter, trouver une voie différente de celle qu’on s’était imaginée avec ce sentiment de culpabilité qui ne le quitte jamais.. Le conjoint suiveur est souvent très volontaire et va faire preuve d’une flexibilité à toute épreuve pour garder le cap. Il restera bien souvent dans la vie active et malgré lui restera dans l’ombre. Il passera par des phases compliquées de remise en question et le plus souvent d’acceptation. Il fera preuve d’une résilience presque invisible. Bien sûr, l’autre conjoint expatrié (qui est en réalité la raison de l’expatriation) mettra tout en œuvre pour que sa famille s’adapte facilement. Ce sera le premier à s’ancrer dans la culture locale et il posera les bases de l’expatriation. Si pour lui cela ne marche pas, cela ne fonctionnnera pas pour sa famille. L’enjeu pour lui est aussi à prendre en compte.
Il est important de s’entourer de personnes expatriées qui vivent les mêmes réalités.
La scolarité des enfants est non négligeable. Trouver un système équivalent et qui épanouira nos enfants n’est pas évident car les choix sont souvent limités et onéreux.
Vivant dans l’hémisphère Sud, nous en avons fait les frais avec de longues listes d’attente pour nos enfants et surtout avec des systèmes aux antipodes de ce que nous connaissons avec les saisons inversées et bien souvent des soucis d’équivalence au retour.

Trouver une école qui respecte le système éducatif national ou qui propose un enseignement bilingue peut être un processus long et difficile.
Les différences culturelles et pédagogiques entre les systèmes éducatifs peuvent également poser de grandes difficultés. Il est donc judicieux de bien se renseigner à l’avance, de visiter les établissements et de se préparer à d’éventuels ajustements.
-Les tracas du quotidien : les soucis administratifs
La moindre démarche peut s’avérer compliquée parce qu’il y a la barrière de la langue et la barrière socioculturelle.
A l’arrivée dans un nouveau pays, on ne connaît pas les codes culturels et on se heurtera inévitablement à des obstacles. La charge mentale est aussi exacerbée en expatriation..
Les codes culturels, les habitudes du quotidien même les petites choses qu on faisait sans réfléchir deviennent des casse-tête. Un simple appel à l’administration ou un rendez vous médical chez le médecin peut devenir une montagne
-un besoin de s’adapter sans cesse aux changements
L’expatriation est passionnante il n’y a pas de routine mais de l’autre c’est bien souvent déroutant et cela peut être fatiguant de s’adapter sans cesse.
-la remise en question perpétuelle
Ai-je fait le bon choix ? Suis-je à ma place ? Vivre à l’étranger c’est un apprentissage permanent sur soi-même, un combat entre la peur et la volonté d’avancer. Et étant parents, nous nous sentirons aussi coupables de ces choix que nous aurons fait pour nos enfants même si nous pensons avoir pris les meilleures décisions pour nous-mêmes et pour eux.
Avec le temps on apprend, on s’adapte mais cela vient avec des sacrifices , des doutes et parfois le sentiment de ne plus appartenir totalement à son pays d’origine, ni à son pays d’adoption c’est une totale confusion.

Une expatriation pour certaines personnes, particulièrement les enfants ou adolescents peut être comparable à un deuil, le deuil de la vie d’avant, des personnes qui nous entouraient. Tout expatrié traversera différentes phases, qu’elles soient faciles ou plus compliquées, aucun expatrié n’aura un parcours sans obstacle. En effet, la théorie de Black & Mendenhall postule que l’expatrié traverse un cycle de 5 phases, ponctuant son parcours d’expatrié.

1ere étape de l’expatriation : la lune de miel
L’arrivée dans un nouveau pays est souvent excitante : il y a la perspective d’une nouvelle vie, tout est nouveau et la curiosité est à son comble. C’est une phase caractérisée par différentes émotions : excitation, joie, curiosité, découverte d’un nouvel environnement.
Attention que cette étape n’existe pas toujours. L’arrivée dans certaines destinations n’est pas forcément une lune de miel.

Durant cette période, l’expatrié va faire ses premiers pas dans le pays, faire de nouvelles rencontres, ..
2eme phase : le choc culturel
Passé ce premier moment d’émerveillement, l’expatrié commence à observer les différences culturelles entre son pays d’origine et son pays d’expatriation. Non seulement il les remarque, mais il les compare.
C’est durant cette période qu’on peut trouver des sentiments de frustration, d’anxiété, de tristesse. L’expatrié se demande s’il a fait le bon choix..
C’est un passage qui peut-être vécu difficilement.
Tous les expatriés y passent à un moment donné mais cela ne durera pas forcément longtemps.
3eme étape : Phase d’adaptation
Après le choc culturel vient l’adaptation. Cette nouvelle manière de vivre est acceptée et l’expatrié est prêt à y faire face. Cela demande une certaine flexibilité mentale : il ne s’agit pas de tout accepter ou tout aimer, mais d’accepter que les choses soient différentes et de faire avec.
4eme étape : Phase d’intégration
S’adapter c’est bien, s’intégrer c’est mieux. La phase d’intégration marque le début de votre investissement dans la sphère émotionnelle, intellectuelle, physique, professionnelle, amicale… Il s’agit de prendre ses marques sur les différents pans de vie et d’y trouver vos repères. Plus l’expatrié a une grande flexibilité mentale et ouverture, plus l’intégration sera réussie.
Impatriation ou contrechoc culturel

Il arrive souvent que les expatriés rentrent au pays. Cela peut être pour différentes raisons : besoin de se rapprocher de la famille, fin de la mission professionnelle… Il est rare qu’on parle de cette étape d’impatriation. Le retour au pays d’origine peut être difficile : ce qui nous manquait tant et que nous idéalisions depuis l’étranger peut au contraire s’avérer difficile. Paradoxalement, certains aspects nous paraîtront assez simples à vivre. Par ailleurs, on peut avoir l’impression d’être un étranger dans son propre pays ou encore de n’avoir plus de repères. En effet, votre vie s’est arrêtée lorsque vous êtes parti, mais celle des autres a continué.
Il peut être difficile de réintégrer une vie sociale.
En guise de conclusion, toute expatriation vaut la peine d’etre vécue. C’est une chance à saisir si vous avez l’opportunité de vous y essayer. Une expérience enrichissante vallonnée d’obstacles et de défis qui vous mèneront certainement à une transformation de vous-même. Déroutante et passionnante, elle vous fera parfois sortir des sentiers battus même très souvent, vous expulsera de votre routine mais vous amènera dans la plus belle des destinations, celle de l’épanouissement personnel à travers l’ouverture et la curiosité développée et l’enrichissement tant culturel que sociolinguistique. Je vous souhaite d’y faire des rencontres tant étonnantes que riches et diversifiées. Allez-y, osez!

- Categories:
- Non classé